« Prise de décision horizontale (non-hiérarchique) » : différence entre les versions
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4- Les inégalités systémiques / structurelles | 4- Les inégalités systémiques / structurelles | ||
Version du 12 avril 2023 à 15:59
Cette page a été créée afin de répondre à des questions de personnes militantes intéressées à prendre des décisions de groupe d'une façon davantage non-hiérarchique.
Les passages surlignés avec cette couleur sont des connaissances partagées lors de notre cercle d'apprentissage sur ce sujet.
Impacts de la structure sur la prise de décision non-hiérarchique
La structure est le premier espace pouvant influencer la hiérarchie au niveau des prises de décision.
Un groupe peut se doter d'une hiérarchie au niveau de sa structure avec le consentement des membres du groupe, comme un comité permanent, un comité directeur, etc. On peut tout de même désirer que ces groupes avec davantage de pouvoir (comité permanent, comité directeur) aient des pratiques internes horizontales.
Votre niveau d'horizontalité dépend des buts de votre groupe. Ceux-ci peuvent concorder avec l'utilisation d'une structure davantage horizontale comme ils pourraient être réalisés avec une structure davantage hiérarchique.
Voir Structure non-hiérarchique (horizontale) et structure.
Attention aux conséquences différenciées.- Des personnes ne sont pas affectées de la même façon par les prises de décisions, de par l'existence des oppressions comme le racisme, sexisme, classisme, capacitisme, ... Ainsi, il importe de penser la prise de décision selon le principe «que chaque personne puisse contribuer à la prise de décision proportionnellement au degré auquel elle sera affectée par la décision».
Voir définition de l'intersectionnalité.
Exemples de décisions liées à la hiérarchie dans la structure
Hiérarchie structurelle et intentionnelle |
Dans une perspective d'intersectionnalité, on peut vouloir donner davantage de pouvoir décisionnel à un groupe directeur (hiérarchie) composé de membres de groupes ou de communautés vivant plusieurs oppressions. Au sein de ce même groupe, des pratiques de prise de décision horizontale peuvent s'appliquer, bien qu'il y ait une hiérarchie dans le grand groupe. La hiérarchie présente ici est structurelle et intentionnelle. |
Horizontalité |
Dans un autre groupe, on peut choisir d'utiliser un modèle consensuel (horizontalité) afin de s'assurer que les voix des personnes de groupes minoritaires ou avec des positions divergentes soient incluses dans la prise de décision. Cette situation est plausible pour un groupe ne souhaitant pas fonctionner avec un comité ayant un pouvoir décisionnel plus important. |
Prise de décision horizontale
La prise de décision horizontale est liée à des relations interpersonnelles égalitaires par une prise de décision partagée entre les individus d’un même groupe. On prend une décision ensemble et les personnes ont un pouvoir égal dans la prise de décision.
La thèse «InterTwinkles: Online Tools for Non-Hierarchical, Consensus-Oriented Decision Making » établit 4 facteurs influençant la participation de personnes à la prise de décision. La participation et le pouvoir dans la prise de décision sont reliés : plus une personne est en mesure de participer activement à la prise de décision, plus elle a du pouvoir dans celle-ci.
Lorsqu'on souhaite que le membres d'un groupe puissent participer (et avoir du pouvoir) dans une prise de décision, il faut prendre en compte :
1- L'accessibilité
2- Les règles et protocoles
3- Les notions exclusives
4- Les inégalités systémiques / structurelles
L'accessibilité
L'accessibilité concerne l'accès à l'espace (physique et symbolique) où les décisions sont prises.
S'informer sur les besoins des personnes concernées ou faisant partie de la prise de décision.
Pratiques liées à l'accessibilité favorisant l'horizontalité
Mesures initiales |
Voir Rendre le militantisme plus accessible pour plus d'information et mettre en place les mesures initiales qui conviennent à votre groupe. |
Réception de besoins |
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Communication explicite |
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Les règles et protocoles
Les règles et protocoles sont les règles de groupes et codes sociaux liés à la participation aux prises de décision.
Certaines règles et protocoles permettent de pallier aux dynamiques de pouvoir présentes dans la société. Pensons aux classes dominantes qui bénéficient d'un pouvoir énorme sur le reste de la société, pouvoir qui n'est pas contrebalancé par le modèle électoral. Ou le pouvoir conféré aux hommes par le biais du patriarcat. Ou le privilège blanc.
D'autres règles et protocoles ont comme effet de renforcer les dynamiques de pouvoir de la société. Dans les deux cas, elles influent la participation aux prises de décision.
Les règles et protocoles engendrent parfois des dynamiques de pouvoir non-souhaitées. Les reconnaître permet de mieux y répondre soit en adaptant ses processus décisionnels, soit en les changeant.
Tyrannie de la majorité |
Une majorité du groupe appuyant une proposition permet l'adoption de celle-ci sans redevabilité aux autres membres (prise en compte des réserves, non-discrimination, etc.). |
Tyrannie de la minorité |
Surtout dans le processus décisionnel du consensus, lorsqu'une personne a le pouvoir de bloquer une proposition de par sa seule volonté. Droit de veto.
Voir dans la section sur le consensus comment éviter cette tyrannie de la minorité. |
Tyrannie du sans-structure |
Dans un groupe sans structure formelle, les décisions sont prises selon des codes connus que par quelques personnes, ce qui concentre le pouvoir entre leurs mains. |
Règles et protocoles généraux favorisant l'horizontalié
Ces règles et protocoles généraux s'ajoutent aux mesures liées à l'accessibilité.
Inspiré du document «Les Chef.fe.s : Comment s’en débarasser»
Leadership de groupe |
Avoir une culture de développement de leadership des personnes membres permet de partager le pouvoir et accroître le pouvoir d'agir d'un groupe.
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Responsabilité des tâches |
Expliciter les responsables des tâches et limiter le nombre de tâches qui peuvent être prises par une même personnes.
L'ensemble des tâches peut être subdivisée en sous-rôles. Ces sous-rôles peuvent être pris par des duos responsables. Pour les tâches plus importantes, une personne ou un duo de personnes peuvent être les personnes-ressources pour la tâche. Les noms des personnes intéressées à soutenir à la réalisation de la tâche sont notés afin que la ou les personne(s)-ressources puissent les contacter.
Voici des exemples de prise en charge de tâches.
Tâche pouvant être réalisée par un duo. Une personne ne peut être coordonatrice plus de deux fois d'affilée.
Tâche pouvant être réalisée par un petit groupe de personnes. Nommer une personne ou un duo de personnes-responsables et prendre en note les personnes désirant faire partie du petit groupe de travail. |
Information |
Créer des outils d’information collective.
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Duos |
Dans l’application de tâches, faire des duos afin de partager la charge mentale, permettre la création de liens de nouveaux liens et possiblement permettre un partage des savoirs. |
Rotation |
Avoir des rôles rotatifs. |
Prise de parole |
Égaliser les prises de parole en réunion (tours de table, tours de parole, etc.).
Sur le rôle de gardiennage du senti : Comment intégrer un gardiennage du senti et de la sécurité sans tomber dans la surveillance? |
Coordination |
Avoir une personne dans un rôle rotatif de coordonnatrice en retrait qui a une vision globale. |
Processus décisionnel favorisant l'horizontalité : le consensus
Cette section se base principalement sur les ouvrage On Conflict and Consensus et Consensus for Cities de C.T. Lawrence Butler
Face aux 3 « tyrannies» présentées ci-haut, le consensus « est le processus de prise de décision le moins violent » d'après l'activiste cofondateur du collectif Food Not Bombs C.T. Lawrence Butler. Il rattache le consensus à la nonviolence. Pour lui, la nonviolence dans la prise de décision implique d'utiliser son pouvoir pour persuader sans utiliser la tromperie, la coercition ou la malveillance. On persuade avec la vérité, la créativité, la logique, le respect et l'amour. C'est aussi - et surtout, considérant le sujet abordé sur cette page- le processus décisionnel le plus démocratique. Démocratique dans le sens où il inclut le plus de personnes dans la prise de décision.
Un processus décisonnel, comme le consensus, répartit le pouvoir décisionnel parce qu'il...
- encourage la participation
- permet un accès égal au pouvoir
- développe la coopération
- promeut l'autonomisation
- crée le sens de responsabilité individuelle pour les actions du groupes.
Pages connexes
Modèle pratique : prise de décision en grand groupe (consensus modifié)
Modèle pratique : prise de décision en petit groupe (consensus)
Notions exclusives
Les notions exclusives comprennent l'attitude et les attentes du groupe envers les personnes membres. Elles vont exclure de la prise de décision les individus qui ne répondent pas à ces attentes.
Un groupe doit être conscient que ces notions exclusives écartent certaines personnes du groupes, de par leur identité et/ou les oppressions qu'elles subissent.
Exemple : le véganisme Le souci du bien-être des animaux pourrait être une valeur partagée par les membres suffisamment forte pour qu'ils soient prêts à exclure les personnes qui veulent manger de la viande.
Cette valeur a l'effet capacitiste d'exclure les personnes ayant un régime particulier dans lequel elles doivent consommer de la viande. |
D'un autre côté, les notions exclusives peuvent avoir pour effet de cultiver le narratif et résister à la cooptation.
Exemples : être contre toutes les formes de discrimination, cultiver la communication non-violente, ... |
Les inégalités structurelles
Les inégalités structurelles sont la façon dont les inégalités systémiques sont reproduites au sein d'un groupe.
Pratiques liées aux inégalités structurelles favorisant l'horizontalité
Formation sur l'anti-oppression |
Un groupe formé sur l'anti-oppression pourra collectivement réagir aux inégalités systémiques en intégrant des mécanismes pour les contrer au sein de son groupe. Cela évite de mettre une charge sur les personnes de groupes marginalisés (qui restent au sein des groupes malgré les oppressions vécues) afin qu'elles « éduquent » leurs camarades ou créent des procédures « anti-oppressives » parce qu'« elles sont les mieux placées pour le faire ». |
Gardiennage du senti | Une personne gardienne du senti va soutenir le groupe dans la création d'un espace accessible et réellement horizontal. Elle va proposer des mécanismes servant à remédier aux rapports de pouvoir présents dans la société.
Ce rôle peut être accompli par la personne qui facilite. Or, dans le cas où la personne facilitatrice n'adopterait pas ce comportement, aucun contre-pouvoir n'existe afin de défaire les inégalités structurelles. La présence d'une personne au gardiennage du senti assure le remplissage de ce rôle.
Voir la page Comment intégrer un gardiennage du senti et de la sécurité sans tomber dans la surveillance? |
Pages connexes
Structure non-hiérarchique (horizontale)
Non-hiérarchie (horizontalité)
Ressources
Personnes militantes influentes sur cette question : Ella Baker, Joe Freeman, Jonathan Smucker, Barbara Ransby.
Les Chef.fe.s : Comment s’en débarasser
Résumé détaillé du livre On Conflict and Consensus par section
Thèse : InterTwinkles : online tools for non-hierarchical, consensus-oriented decision making
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