Introduction à l'horizontalité (non-hiérarchie)

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Cette page vient répondre à une question reçue lors du cercle d'apprentissage sur Quand et pourquoi l'occupation d'un espace peut être une bonne tactique ?. Le contenu de cette page comprend des analyses académiques sur l'utilisation de l'horizontalité dans les mouvements sociaux et des expériences vécues de personnes militantes.

Qu'est-ce que l'horizontalité?

Déconstruction active des inégalités

« L'horizontalité fait référence à la création active de relations non hiérarchiques par le biais de processus de prise de décision. Plutôt que de supposer que l'égalité peut être déclarée ou créée par une autorité centralisée légitimée par le " peuple " , les pratiques d'horizontalité des organisations partent du principe que l'inégalité sera toujours présente dans toutes les interactions sociales. Ce changement d'hypothèse permet de reconnaître que ces inégalités existent toujours et qu'il incombe à chacun de les remettre en question à chaque étape du processus de prise de décision. » - Marianne Maeckelbergh [1]  

Comme l'explique Marianne Maeckelbergh [2] , la prise de décision horizontale peut être décrite comme une forme alternative de démocratie mondiale basée sur les réseaux. Ses principaux arguments sont les suivants:

L'égalité doit être créée et travaillée en permanence.

  • L'égalité ne peut pas se produire naturellement, sur la base des hiérarchies existantes dans notre société en termes de genre, de sexe, de « race », de classe, d'éducation, de compétences interpersonnelles, de dynamique du pouvoir, etc.

La diversité est l'objectif de la prise de décision, plutôt que l'unité.

  • Les différences sont utilisées pour trouver des solutions dans le cadre du processus de prise de décision. Les personnes ont également la possibilité d'agir de manière autonome. Cela signifie que si elles ne sont pas d'accord avec une décision prise, elles ne sont pas obligés de se joindre au groupe et peuvent faire autre chose.
  • La diversité favorise la création de la meilleure solution, qui s'impose à toute les personnes impliquées dans la prise de décision.

Voir la page Prise de décision horizontale (non-hiérarchique)

Division structurelle du pouvoir

Selon l'anthropologue et activiste David Graeber, l’horizontalité est l’absence de division structurelle du pouvoir. Une division structurelle du pouvoir est visible dans l’existence de «boss», «coordination principale», «comité de direction», et de chartes. [3]   Des groupes horizontaux trouvent des façons de développer des comportements cohérents sans une conception traditionnelle de «leader».


« Ces groupes ont au moins une division temporaire structurelle du pouvoir par des rôles (facilitation, senti, prise de tours de parole), mais ces rôle n’ont pas pour but d'offrir un plus grand pouvoir d’influence sur le contenu d’une décision - ils servent à guider le processus par lequel la décision est prise. » - David Graeber


Cet article se réfère au fait de tendre vers la non-hiérarchie et non pas de l’accomplir. L’expression «horizontalité» exprime cette réalité.


Voir la page Structure horizontale (non-hiérarchique)

Non-hiérarchie et décentralisation (du pouvoir)

La définition de non-hiérarchie résonne avec la définition de décentralisation. La décentralisation décrit les conditions dans lesquelles les actions de nombreuses personnes sont cohérentes sont efficaces malgré le fait qu'elles ne reposent pas sur la réduction du nombre de personnes dont la volonté compte pour mener une action efficace. [4] C'est-à-dire que la décentralisation du pouvoir permet d'inclure la volonté d'un plus grand nombre de personne.


La décentralisation au sein d'un groupe peut se faire de différentes manières, notamment par l'organisation distribuée, la pratique de l'assemblée générale, les rencontres larges et les comités de travail.

Histoire de l'horizontalité

[5] [6]

Les années 1960

La forme que prend aujourd'hui la prise de décision horizontale ( par exemple par le mouvement Occupy) a une histoire qui peut être retracée au moins jusqu'aux années 1960.

  • Les personnes qui prennent des décisions ensemble, sans hiérarchie structurée, ont toujours existé.
  • Dans les années 1960, la gauche a rompu avec les structures des partis politiques et s'est orientée vers des approches démocratiques participatives du changement social.
  • La démocratie participative a commencé à fusionner avec les pratiques de consensus au cours des mouvements féministes, antinucléaires et pacifistes des années 1970. Tout au long des années 1980 et 1990, les mouvements écologistes ont maintenu ces pratiques de prise de décision.

Soulèvement populaire de 2001 en Argentine

Le terme « horizontalité », de l'espagnol horizontalidad, a été utilisé pour la première fois en Argentine après la rébellion populaire de 2001.

Soulèvement populaire 

  • En pleine crise économique, la population argentine est descendue dans la rue par centaines de milliers. Les gens tapaient sur des casseroles et des poêles et chantaient aux fonctionnaires « Que se vayan todos, que no quede ni uno solo » (« Ils doivent tous partir, pas même un seul ne doit rester»).'
Assemblées de quartier
  • Les contestataires ont chassé cinq gouvernements consécutifs et ont formé les premières assemblées de quartier fondées sur l'horizontalité.
Propagation de la pratique
  • Depuis, l'horizontalité a été utilisée dans le monde entier pour décrire les mouvements qui recherchent l'autogestion, l'autonomie et la démocratie directe.

Occupy

Occupy a vu le jour en réponse au manque de démocratie et au fait de ne pas sentir de représentation par les gouvernements.

Phénomène international

Les mouvements Occupy ont donné lieu à des milliers d'assemblées partout dans le monde. L'objectif était de créer un espace de dialogue où chacun pourrait participer et déterminer ensemble à quoi l'avenir devrait ressembler.


Pour les personnes plus curieuses, voici le Wiki d'Occupy Boston.

Actions directes autonomes

Parmi les actions menées, citons l'occupation de maisons aux États-Unis pour empêcher les expulsions et de caisses dans les hôpitaux en Grèce pour que les gens n'aient pas à payer le coût des soins de santé. Des villes américaines ont créé des réseaux de troc et institué des services de garde d'enfants gratuits. Le caractère auto-organisé et autonome de ces initiatives témoigne d'une tentative de décentralisation, élément clé de l'horizontalisme.

Voir plus bas pour des défis rencontrés par Occupy.

Défis de l'horizontalité

Marianne Maeckelbergh avance que trois défis principaux sont apparus lors d'Occupy. Ceux-ci qui provoqué des tensions et éloigné les groupes de l'horizontalité. [7]

Les ressources « rares»

Croire que les ressources sont rares.


La concentration sur les ressources financières et la recherche de la gloire dans le mouvement Occupy Wall Street ont causé des problèmes.


  • Dans les mobilisations anti-sommet, l'argent était considéré comme secondaire - le groupe décidait d'abord de ce qu'il voulait accomplir politiquement, puis il pouvait voir combien d'argent était nécessaire et d'où il pouvait provenir.
  •  L'idée que l'on ne peut agir que si l'on a de l'argent suggère que l'argent est la source du pouvoir. Historiquement, le manque de ressources financières a rarement empêché les gens d'agir.


Séparer les discussions

 À Oakland, les discussions politiques ont été séparées des discussions financières. Tout d'abord, on discutait du pour et du contre pour savoir s'il fallait entreprendre une action et/ou comment le faire. Des réunions séparées ont été organisées pour soumettre des propositions de financement des actions choisies, sans discussion sur le pour et le contre.

La compétition

Croire qu'il faut entrer en compétition pour se faire entendre ou obtenir ce que l'on veut.


Traiter les ressources comme des denrées rares conduit à la concurrence. La diversité est essentielle au fonctionnement de l'horizontalité.


  • Par exemple, si les personnes participant au processus horizontal estiment que leur capacité à obtenir des fonds pour leurs activités est menacée par votre demande de fonds, elles voteront contre, plutôt que de réfléchir à la valeur de l'activité elle-même.


Rechercher d'autres moyens

L'objectif de la prise de décision horizontale devrait être de rechercher des moyens de rendre toutes les actions/activités possibles, avec ou sans fonds, afin d'éviter cette attitude de concurrence.

L'«exclusivité» des connaissances

La revendication de domaines d'activité ou de connaissances comme quelque chose que qu'une personne est en position privilégiée de connaître ou d'agir, à l'exclusion des autres.


« Un État-nation est une structure politique fondée sur la délimitation d'une zone géographique à l'intérieur de laquelle chacun doit partager certains aspects de l'identité nationale et à l'intérieur de laquelle chacun est soumis aux mêmes droits et responsabilités juridiques. Cela peut sembler inévitable au sein d'une entité politique, mais au sein d'un réseau, il n'y a pas de début ni de fin clairs et, par conséquent, pas non plus de groupe de personnes clairement délimité soumis aux décisions prises, même par l'assemblée générale. Bien que cela puisse parfois sembler "incontrôlable", c'est en fait la force de la prise de décision horizontale. Les réseaux peuvent se multiplier et se diviser sans créer de clivages». -Marianne Maeckelbergh


Le temps

Voir La tyrannie du temps

Visions de l'horizontalité

Collectif Solon [8]

 


Égalité

« C’est partager le travail entre des personnes sans égard à leur statut, en présumant l’égalité des intelligences et que chacun-e peut apporter quelque chose d’enrichissant.»

Co-apprentissage
« C’est central à la résilience de l'organisation et au développement de ses membres (contribuer et évoluer selon son plein potentiel).»
Autonomie
« C'est un espace d'ouverture qui permet à la fois:
  • la responsabilisation et la prise de décisions autonome, et
Participation
  • de s’impliquer, de créer et réfléchir ensemble, de contribuer, de prendre part aux alignements et aux décisions.»
Confiance
« C’est être à l'aise de ne pas participer à toutes les décisions et de ne pas être 100% en accord avec toutes celles-ci.»
Partage
« C’est une dynamique au sein de laquelle le pouvoir, le leadership et les responsabilités sont partagés et distribués de manière vivante et fluide. »

Site de Solon


Critique d'Occupy [9]

Les processus démocratiques participatifs peuvent ne pas offrir d'alternative au capitalisme.

  • La plupart des personnes impliquées dans Occupy ont décrit leur expérience de ces méthodes de prise de décision comme «  dysfonctionnelle ».
  • « La participation peut tout aussi bien servir de vecteur aux idéologies dominantes que d'outil de libération». - Not an Alternative

Agir à tort comme si le pouvoir et le contrôle provenaient uniquement d'une autorité centralisée et fermée.

  • Argument selon lequel les assemblées générales utilisées dans Occupy étaient inefficaces, même lorsque des groupes de travail spécifiques étaient en mesure d'utiliser le consensus.
  • Pas de règles d'adhésion, ni de mécanisme de responsabilisation. Quelqu'un qui voulait perturber la réunion pouvait le faire.
  • Essayer de parvenir à un consensus avec des membres moins impliqués aboutissait souvent à l'inaction ou à l'adoption de la position la moins controversée.

Les individus qui n'ont pas pu se présenter en personne n'ont pas pu participer.

  • Les personnes qui travaillent sont désavantagées par la structure de base du mouvement. Ceux qui ne peuvent pas assister aux instances décisionnelles ne sont pas représentés.
  • Pour les personnes présentes, les assemblées générales ne facilitaient pas le brainstorming, l'examen d'idées complexes ou l'évaluation de propositions d'action. Au contraire, les assemblées étaient plutôt un espace free for all, où les participants pouvaient exprimer leurs opinions, mais celles-ci se perdaient souvent car personne n'était encouragé à parler des points soulevés par les autres, à résumer les idées principales, etc.

Le micro du peuple

  • L'assemblée générale d'Occupy Wall Street a innové avec le « micro du peuple », qui consiste à faire répéter par la foule les paroles d'une personne oratrice afin que les personnes trop éloignées de celle-ci puissent l'entendre.
  • Ce système a favorisé les privilèges et la censure, car les personnes proches du micro ne répétaient pas toujours ce qui était dit. En outre, le micro du peuple encourageait les personnes possédant un certain nombre de compétences rhétoriques, ce qui leur permettait d'émerger en tant que leaders non reconnus.

Certaines décisions ne recquièrent pas le consensus d'une assemblée générale

  • Si les groupes avaient attendu l'assemblée générale, il n'y aurait pas eu de campement Zuccotti pour discuter de la menace d'expulsion. Les organisateurs en coulisses se sont lancés dans une action rapide sans l'approbation d'un réseau plus large.
  • Cela aurait dû être l'objectif des assemblées générales d'Occupy : rendre compte au réseau distribué et soutenir, et non approuver, les actions des gens.

« La force d'Occupy vient d'une logique politique complètement opposée au processus de consensus. Les personnes occupantes ont pris la décision d'adopter le nom "Occupy" non pas parce qu'elles étaient d'accord avec lui, mais parce qu'elles savaient que "Occupy" représentait quelque chose en quoi ils croyaient, quelque chose qu'elles avaient déjà vu à l'œuvre. Lorsque les personnes ont rejoint le mouvement, elles l'ont fait non pas en raison d'un processus, mais d'une idée. Elles s'engageaient, en d'autres termes, à ne pas discuter entre elles  jusqu'à ce qu'elles soient tous d'accord, mais à se joindre à une lutte avec d'autres personnes avec lesquelles elles n'étaient pas nécessairement d'accord.» - 'Not an Alternative


Occupy Montreal

[10]


L'occupation du square Victoria, dans le quartier financier de Montréal, a eu lieu du 15 octobre au 25 novembre 2011.

Participation d'individus, non de membres de groupes

Les personnes ont participé en tant qu'individus plutôt qu'en tant que membres d'organisations.

Réseau

Occupy Montreal n'a pas réussi à mettre en place un réseau décentralisé, ce qui aurait nécessité une communication et une coordination de la part des collectifs déjà constitués (organisations, réseaux et coalitions).

Mobilisation par les réseaux sociaux
L'implication individuelle a favorisé une dynamique plus inclusive que si les personnes étaient issues d'organisations existantes (la plupart ont été mobilisées par le biais des médias sociaux). Alors que les réseaux décentralisés peuvent être décrits comme des « réseaux de réseaux », l'utilisation des médias sociaux pour mobiliser génère davantage de « foules d'individus ». Le problème lié à l'absence de réseau décentralisé est la fragmentation et le manque de durabilité.


Membres VS communauté

Les membres ont pris la responsabilité de prendre une décision importante pour l'ensemble de la communauté.

Comité média

« Les membres du comité média d'Occupy Montreal ont tenu une conférence de presse et annoncé qu'ils quittaient le camp. Cette déclaration n'avait pas été discutée lors de l'AG (assemblée générale), mais les médias ont immédiatement annoncé la fin de l'occupation.


Cette situation a renforcé les tensions et les conflits au sein de l'AG. Le comité des médias a été invité à assister à l'AG le lendemain pour expliquer sa déclaration, et l'AG a décidé de poursuivre l'occupation sans tenir compte du comité des médias ou de la pression des autorités publiques. Mais le vendredi 25 novembre à 8 heures du matin, environ 300 policiers ont procédé à l'expulsion du camp. Quelques heures plus tard, il y avait eu 14 arrestations et l'occupation était terminée. » - Marcos Ancelovici[11]

Comités de travail organisés autour de l'assemblée générale

Les comités de travail fonctionnaient comme des groupes d'affinité qui rendaient des comptes à l'assemblée générale.

Types

 Il y avait des comités pour la facilitation, les médias, l'alimentation, la philosophie, la sécurité, les alliances, etc. 

Autonomie

Chaque comité était relativement autonome, l'information circulant entre l'assemblée et les comités.  Chaque comité n'était pas nécessairement au courant de ce que faisaient les autres comités, ce qui signifie que l'assemblée générale centralisait le pouvoir et les décisions dans une certaine mesure.

Consensus
« Le processus de consensus ne fonctionne que s'il est associé à un principe de décentralisation radicale. [...] Il est toujours préférable, si possible, de prendre des décisions dans des groupes plus restreints : groupes de travail, groupes d'affinité, collectifs. [...] Il ne faut pas se sentir obligé d'obtenir l'autorisation de qui que ce soit, même de l'Assemblée générale (qui est tout le monde), à moins qu'il ne soit préjudiciable de procéder sans cette autorisation. [...]» - Graeber, 2013[12]


  • À se rappeler : les décisions peuvent être prises à l'échelle la plus petite, au niveau le plus bas possible. L'approbation supérieure est utile lorsqu'il y a un besoin urgent de le faire.

Leçons tirées de l'expérience

Processus d'apprentissage

Il n'est pas facile de trouver un équilibre entre l'inclusion et la promotion de l'action autonome, la confiance, l'identification du pouvoir et la manière de le partager, et d'une manière générale, d'éviter de reproduire les structures verticales de prise de décision dans lesquelles on grandit !


Les tentatives visant à mettre en place des structures non hiérarchiques et inclusives qui répondent aux besoins des personnes en dehors de l'État sont des occasions d'apprentissage précieuses.

Appréhender les défis

Voir la section sur les défis

Faire des coalitions de réseaux décentralisés (ou coalition agile)

Voir la page Construire des coalitions

Tenir des assemblées générales

Voir la page Assemblée générale

Pages connexes

Hiérarchie

Prise de décision

Consentement 101

Consensus 101

Prise de décision non-hiérarchique

Structure horizontale (non-hiérarchique)

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