Santé mentale des personnes militantes

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Cette page a été créée suite à une question reçue par une personne de la communauté du HUB, soit « Comment prendre soin de soi en tant que personnes militantes, quand les ressources et le soutien disponible renforcent les systèmes qu'on souhaite défaire? ».


Contenu : crise climatique, médicamentation des troubles de santé mentale, capitalisme, écoanxiété, écoblanchiment, responsabilisation individuelle, panique, épuisement, soin communautaire, pratiques individuelles au sein de communautés

Santé mentale

Dans la société capitaliste

Responsabilisation individuelle de la santé mentale présentée par les institutions gouvernementales

Dans notre société capitaliste, la santé mentale est présentée comme une affaire individuelle et sur laquelle c’est à nous de travailler ou elle est traitée comme une affaire à médicamenter.


Voici le manifeste du Mouvement Jeunes et santé mentale sur la question.



Nous vivons en interdépendance avec les personnes et les situations qui nous entourent. La santé mentale individuelle est affectée par les oppressions qu’une personne vit, les difficultés dans son entourage, les enjeux auxquels elle fait face, … C'est une question collective.

Face à la crise climatique

« Pourquoi aller chercher des services en psychologie si la personne que je vois ne comprend pas ce que je vis et ne cherche pas elle aussi à démanteler le système en place? »

« J’ai l’impression que d’aller voir une personne thérapeute va juste me fâcher encore plus, je n’ai pas envie de l’éduquer sur les systèmes d’oppression et la gravité de la crise…»


Les multiples crises qui nous entourent exacerbées par la crise climatique éveillent en nous des émotions nourries par les facteurs qui suivent.

Discours dominants sur la crise climatique

Écoblanchiment. Technologies vertes. Croissance verte.  Discours de peur. Pas de discours sur les mouvements sociaux ou le changement social. Empreinte carbone et gestes individuels.


Sur le discours des gestes individuels - Le discours disant qu’on doit réduire notre impact écologique, notre « empreinte carbone» associe un comportement individuel à la crise climatique.  Il associe la personne qui consomme à une ennemie de la Nature. Les individus se sentent coupables et en situation d’impuissance : on les culpabilise et en même temps, même s'ils faisaient tout en leur possible pour réduire leur impact au maximum, ils auraient un impact insignifiant sur la crise globale.  Cela a aussi comme effet d’associer l’humanité entière à quelque chose qui nuit à la Nature. 

Or, c’est précisément le modèle économique capitaliste et la mentalité d’exploitation associée qui sont les ennemis de la Nature. Pas les individus qui sont nés et ont été socialisés dans ce système. Pendant  qu'on parle des gestes individuels, les dirigeants d'entreprises peuvent continuer de faire des profits en vendant des objets à «impact réduit» et exploiter le Vivant sans être pointés du doigt.

Discours dominants sur l'écoanxiété

Les jeunes sont des «victimes». Il faut les aider.

On ne parle pas des personnes et groupes qui nourrissent la crise climatique. On ne parle pas de capitalisme.

Responsabilisation individuelle du soin
« Les gens parlent beaucoup de prendre soin de soi, mais cela signifie de faire ce que l'on peut individuellement en dehors de son travail alors que les grandes structures qui reproduisent les inégalités restent fermement en place. » - Janey Starling & Seyi Falodun-Liburd [1]

Contre-discours

Face à cette réalité et ces discours qui nourrissent la détresse, il importe de nourrir un contre-discours qui centre les causes réelles de la crise climatique et l'action collective nécessaire à une justice climatique. Ces contre-discours parlent notamment de mouvements sociaux, d'organisation populaire et de pouvoir collectif.


  • Pour en savoir plus sur les différentes composantes des mouvements sociaux : Écologie des mouvements.
  • Des ressources issues de la séance «Introduction à la stratégie - Comment les mouvements sociaux réussissent-ils? » de notre série d'ateliers sur les mouvements décentralisés : Ici


Si vous souhaitez mieux comprendre ou lire sur ce que vous sentez en lien avec la crise climatique,  @environmentalist.affirmations a vulgarisé le contenu du livre A Field Guide to Climate Anxiety de Sarah Jaquette Ray et son premier chapitre en traite. Le concept « solastalgie » peut aussi potentiellement permettre de refléter ce que certaines personnes ressentent. Voir aussi notre page sur l'écoanxiété.

En contexte militant

Burn-out

Le burn-out est un épuisement physique ou émotionnel causé par le surmenage ou le stress d'après le Chambers Dictionnary. C'est une réalité vécue dans presque tous les milieux militants. Il peut être issu d'un déséquilibre entre des  aspects de notre militantisme, de notre vie. Voir le tableau sur cette page pour des exemples.


Voici des causes de burn-out militant évoquées par Sophy Banks de Transition Network...

Les enjeux sont grands, urgents et très importants

« [...] dans une société où une partie de la population est à l'origine des problèmes, les personnes qui se sentent responsables de les résoudre peuvent être une petite minorité disposant de peu de ressources. »

Agir fait davantage de bien que ressentir

Si on ne prend pas conscience de comment on se sent, c'est possible que nos sentiments...

  • nous poussent à agir au-delà de nos limites
  • se solidifient sous forme d'engourdissement ou de maladie
  • nous poussent à agir de façon déconnectée de la réalité
Donner plus de valeur aux actions qu'à l'état des gens

Seulement donner de la valeur à ce qui est « productif ». C'est à la fois capacitiste et dommageable pour la santé mentale des gens.

Agir selon l'«héroisme militant»
Faire trop et ne pas laisser d'autres personnes faire des tâches importantes, ne pas partager le leadership (voir leadership de groupe).
Succomber à la pression du temps
« Que perdons-nous lorsque nous allons trop vite et que nous en faisons trop ? »


  • Le temps de régler les problèmes de communication.
  • Le temps d'écouter les points de vue et les besoins des groupes et personnes ne faisant pas partie du groupe dominant.
  • Le temps d'évaluation et de réflexion : impossibilité d'ajuster l'orientation stratégique,  de sorte que les activités risquent de devenir de moins en moins pertinentes.
  • Le temps d'apprentissage, de développement personnel et d'approfondissement.

Voir section ci-bas pour des pistes d'action! 💓 

Prise en charge collective

Les systèmes d'oppressions créent de grandes épreuves à traverser pour chaque personne. Si on collectivise le soin, on inclut les personnes les plus précaires et on apprend à utiliser « notre plus grand outil dans la construction d'un monde sans violence» [2] .


«  Prioriser le soin est un refus de s'abandonner soi et les autres autour de nous » [3] . Face à la crise climatique et aux nombreuses crises sociales auxquelles l'on fait face, on peut se soutenir collectivement par le soin communautaire et une culture régénératrice.


Soin communautaire

Le soin communautaire, c'est la responsabilité partagée d'offrir et recevoir du soutien émotionnel, physique et structurel dont nous avons besoin afin de vivre de façon plus aimante et libérée. C'est aussi la façon dont on améliore notre groupe afin qu'il réponde à nos aspirations.


Le soin communautaire au sein d'un groupe comprend...

  • De l'espace pour arriver en tant que personne humaine avec des défis personnels.
  • La culture d'espaces et de relations ancrées dans une grande confiance et compassion mutuelle


Le soin communautaire n'est pas opposé à la discipline ou la rigueur : on utilise notre énergie d'une meilleure façon afin de ne pas perdre de temps dans une perspective de changement social. « Nos combats sont trop importants pour qu'une personne parmi nous s'épuise.  » [4] Ainsi, c'est pourquoi nous avons défini plus haut que le soin communautaire c'est aussi un travail sur son fonctionnement interne dans le but d'arriver à mener nos combat avec plus de facilité. Si c'est moins compliqué de s'impliquer et de créer des projets, on peut en faire plus sainement et se rapprocher de nos buts. Les groupes militants ont  parfois tendance à omettre cet aspect du soin, soit les pratiques de groupes ayant le but direct de faciliter l'atteinte de ses objectifs.


Dans une perspective selon laquelle le soin est largement assumé par les femmes dans nos sociétés, si on souhaite développer le soin communautaire dans nos espaces, il faut que ce travail soit fait et organisé de façon explicite afin que la charge mentale de celui-ci ne soit pas assumée que par quelques personnes.

Voici des exemples de pratiques de soin communautaire liées au fonctionnement interne.

Mise en action du soin communautaire

Faire vivre les ingrédients d'une culture de soin

Ces ingrédients sont issus de l'article « We need a climate movement that addresses the trauma of fighting for a burning planet ». Y aller selon la réalité de notre groupe. La mise en action des différents ingrédients peut être très différente d'un groupe à l'autre.

Ingrédient

Exemples

Facilité *ingrédient ajouté par le HUB

Faciliter notre implication, c'est se donner les moyens de faire plus. Cet ingrédient permet la mise en action des personnes dans un cadre plus accessible : c'est moins compliqué, moins énergivore, moins « réservé aux personnes qui savent comment les choses fonctionnent. »  Dans un contexte où plusieurs personnes militantes  nous partager que leur santé mentale s'améliore dans la mise en action, faciliter celle-ci a toute sa place en tant qu'ingrédient de soin communautaire dans le cadre du militantisme.


  • Créer de la documentation répondant aux questions potentielles des nouvelles personnes.
  • Créer un calendrier de rencontre afin d'enlever la charge collective de planifier une nouvelle date de rencontre après chaque rencontre
  • Toute mesure qui rend plus facile le fait de s'impliquer. Qui rend moins énergivore certaines tâches, la gestion de projets, l'organisation de rencontres, etc.
Espace

Pour se reposer, réfléchir, récupérer et guérir.


  • Planifier des campagnes avec des moments creux.
  • Faire des cercles de partage et d'apprentissage.
  • Prévoir des temps de repos.
Amour
  • Des compliments réguliers, un retour d'information positif et la célébration des personnes et de leur travail (« je distingue les personnes de leur travail, car nous devons mieux célébrer la valeur inhérente des personnes, indépendamment de leur travail»). [5]
  • Mettre du temps dans la croissance personnelle des membres.
  • Vérifier régulièrement le bien-être des gens.
  • Créer des communautés de soutien pour les personnes traversant des périodes difficiles.
  • Mentorat et jumelage.
Diversité
  • Encourager la diversité de perspectives et de rétroactions respectueuses.
Limite
  • Demander plutôt que d'assumer que certaines personnes sont en mesure de prendre plus de travail.
  • Avoir des objectifs clairs pour éviter de sentir qu'on doit tout faire.
  • Encourager les personnes à établir leurs propres limites et les communiquer.
Conscience
  • Créer des espaces pour adresser différents enjeux (biais inconscients, trauma, rétroaction et réflexion, etc).
Compassion
  • Voir les erreurs comme faisant partie de l'apprentissage.
  • Connaître les besoins des gens qui nous entourage.
  • Ne pas faire preuve de jugement.
Vulnérabilité
  • Être honnête quand on fait des erreurs.
  • Prendre le temps d'accueillir les gens avec leurs forces, peurs et besoins.
  • En tant que mouvement, « exiger et s'efforcer d'obtenir ce qui est nécessaire, et pas seulement ce qu'[on pense] pouvoir obtenir, malgré la peur ou les attaques extérieures.
Joie
  • Prendre du temps pour jouer, du « temps sans objectif ».
  • Temps social récurrent et moments de célébrations.
  • Identifier les types de travail qui sont associés avec moins de joie et trouver des façons d'en intégrer.
Fluidité
  • Avoir une ouverture au changement en fonction de ce qui nous entoure.
  • Partager et apprendre des autres afin de se « contaminer » de nos savoirs.
Imagination
  • Accueillir davantage d'art et d'artistes dans nos espaces.
  • Apprendre des personnes en dehors de nos cercles.

Établir un mécanisme de rétroaction

[6]

Une équipe de travail peut être mandatée afin de mener ce genre de processus de façon continue. Les rôles liés à la prise en charge du processus doivent être clairs. Ainsi la mise en place des actions répondant aux besoins va être faite en répartissant la tâche. Centrer les besoins des personnes militantes afin de les inclure dans la pratique militante permet de continuer d'agir sur le monde extérieur avec une énergie qui perdure.


1. Espace de réception de rétroaction et des besoins

Avoir des espaces pour prendre et recevoir le feedback des membres sur les activités du groupe et sur les besoins des gens en lien avec les activités du groupe.


2. Évaluation de la rétroaction reçue

Se demander ce que la rétroaction veut dire. Où sont les déséquilibres du groupe?

3. Prise d'action

Créer une réponse appropriée afin de prendre soin des gens du groupe ou de la communauté.


Exemples : faire une rencontre aux deux semaines plutôt qu'aux semaines, créer des moments pour les félicitations, faire des activités d'accueil, organiser des activités sociales récurrentes, créer un groupe de soutien et partage, ...

4. Contrer la résistance
Face à de nouvelles pratiques, la résistance se manifeste souvent. À cette étape, on cherche à dépasser l'ancienne zone de confort du groupe pour en créer une nouvelle. On peut établir le principe selon lequel un effort collectif doit être fait afin de soutenir les actions mises en place pour répondre aux besoins et à la rétroaction du groupe. Des personnes qui encouragent cette démarche peuvent être nommées afin que la charge ne revienne pas par défaut aux mêmes personnes qui prennent le plus de charge mentale dans la société.


5. Évaluer
Se demander si la ou les actions ont su répondre à la rétroaction ou aux besoins exprimés.

Ce qui soutient les personnes militantes dans le monde

Un article d'Helen Cox vient résumer ce que les personnes militantes ont répondu faire pour soutenir leur militantisme. Elles ont partagé leurs pratiques individuelles de soin (utile pour les personnes qui se demandent ce qu'elles peuvent faire ici et maintenant en parallèle de la création de mécanismes de soin communautaire.


Leurs réponses pourraient guider des réflexions en lien avec...

  • la capacité d'engagement
  • l'exercice
  • le sommeil
  • la nourriture
  • la nature
  • la gestion du temps et des pauses
  • les dynamiques de groupe
  • les pratiques de méditation
  • les relations non militantes
  • le mentorat
  • les réseaux sociaux
  • la vision et la pensée à long terme
  • la créativité
  • la spiritualité

Ce qui soutient les personnes militantes dans la communauté du HUB

Voici quelques réponses de personnes militantes de la communauté du HUB à la question « Qu'est-ce qui t'apporte du bien-être dans le militantisme? »


« communauté » « l'interconnexion »
«ressentir l'influence qu'on peut avoir » «plus de gens commencent à s'impliquer dans le militantisme »
«Peut-être que ça permet de se libérer de certaines frustrations ou angoisses ? »



Tu aimerais envoyer ta réponse? Tu peux écrire à isabelle@lehub.ca!

Autres ressources et soutien externe

Zine : Sustainable Activism & Avoiding Burnout


Santé mentale des personnes militantes (PTSD, crises de panique, prévention, burn out, violence policière, post-action, lutte de classes


Analyse : We need a climate movement that addresses the trauma of fighting for a burning planet


How collective care can change society | Janey Starling & Seyi Falodun-Liburd | TEDxLondonWomen


Section Well-being - Commons Change Library


Notes du livre A Field Guide to Climate Anxiety de Sarah Jaquette Ray


State Violence & Mental Health - Disruption Network Lab


Fighting for Justice in Mental Health - Disruption Network Lab


Communauté d'entraide d'Éco-motion


Livre : Healing justice de Jarem Sawatsky


Livre : Care work - Dreaming disability justice de Leah Lakshmi Piepzna-Samarasinha


Ressources d'Éco-motion (voir en bas de page pour les ressources gratuites)


Sustaining ourselves as Activists - Helen Cox (The Commons)


Crisis Toolkit - Fireweed Collective


Témoignages de jeunes relatifs à leur ressenti face à la crise climatique (Le temps de militer)


«10 Great Resources on Activist Wellbeing - Commons Librarian »


Tiohtià:ke (colonialement connu comme Montréal)

Soutien en santé mentale pour personnes des communautés BIPOC - Génération Lavande


Ressources d'urgence et d'aide pour personnes des communautés BIPOC - Génération Lavande



Si vous avez des corrections ou des ressources complémentaires à nous partager en lien avec ce contenu, vous pouvez contacter isabelle@lehub.ca.


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