Événement de Politics & Care : Les dynamiques de pouvoir au sein du mouvement étudiant

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Cette page a été créée à partir des notes prises lors de l'événement de Politics & Care en collaboration avec 10 ans de la grève de 2012 intitulé : Les dynamiques de pouvoir au sein de mouvement étudiant, 10 ans plus tard : conversations


Voici la description de l'événement.

« En 2013, Rushdia, Beatriz et Dani ont démissionné.es en bloc du comité Luttes sociales de l’ASSÉ afin de dénoncer les dynamiques de pouvoir présentes dans l’exécutif national, ainsi que les différentes oppressions vécues lors de leur implication dans différentes instances de l’ASSÉ. Elles détaillaient dans leur lettre de démission le mépris et la méfiance envers les étudiant-e-s racisé-e-s, allophones ou anglophones, la hiérarchie de pouvoir au sein de l'exécutif, ainsi que les dynamiques de “cliques”, entre autres.


Elles vous invitent aujourd’hui à un panel pour revisiter les raisons de leur démission et les dynamiques de pouvoir ancrées dans différents systèmes d’oppression intersectionnels. Elles invitent pour les rejoindre des militant.es du mouvement étudiant actuel afin d’ouvrir la discussion sur les parallèles entre hier et aujourd’hui, les continuités et les transformations. Un regard particulier sera accordé aux expériences des personnes racisées et leurs expériences dans les instances étudiantes tant des comités que des associations. L’intention est d’entamer une réflexion collective liée aux défis à qui font face les mobilisations étudiantes, ce qui nuit à nos collectivités, et ce qu’on peut mettre en place comme pratiques et praxis pour arriver à une plus grande inclusivité, une pratique anti-oppressive dans nos milieu et surtout par le fait même permettre une durabilité des luttes et mouvements sociaux à travers les générations.


Accès à leur lettre de démission p. 18-25

Version Zine »

Panélistes

Rushdia Mehreen est actuellement étudiante au doctorat à l'UQAM et mène des recherches sur les mouvements sociaux et s'implique dans l'organisation étudiante et communautaire depuis plus d'une décennie.


  • À l’époque de la grève étudiante de 2012, elle a joué un rôle clé dans la construction de la première grève illimitée des étudiants en 2012 à Concordia. Avant et pendant la grève, Rushdia était impliquée dans le mouvement étudiant  au niveau local ainsi qu'en tant que membre du Comité des luttes sociales de l'ASSÉ/CLASSE, comité qui a démissionné en bloc dans l'année suivant la grève. En plus d'être membre de ce comité, elle a été active au sein de la CLASSE en tant que déléguée des associations étudiantes de Concordia (Geograds et Graduate students association, GSA), entre autres. Elle s'est aussi impliquée dans l'association des personnes étudiantes graduées de Concordia.
  • Aujourd'hui - Elle est impliquée dans le mouvement pour la justice des personnes migrantes, Politics & Care, entre autres, et est enseignante au collégial de façon précaire.

Beatriz Muñoz était étudiante de l’UQAM lors de son implication dans le Comité aux luttes sociales de l’ASSÉ pendant la grève étudiante 2012 et a démissionné avec Dani et Rushdia à cause de différentes situations de discrimination perpetrées par l’exécutif de l’ASSÉ.


À ce moment, cela faisait 4 ans qu'elle était arrivée au Québec depuis la Colombie, où elle s'impliquait déjà dans des luttes sociales.

Dani Tardif est une personne artiste et hypnothérapeute queer et non-binaire basé.e à Tio'tia:ke, Montréal.


  • À l’époque de la grève étudiante de 2012, iel s’est impliqué dans son association étudiante (l’AEEAUM) et dans les instances de l’ASSÉ. Durant la grève, iel a rejoint le comité Luttes sociale de l’ASSÉ à la mi-2012, jusqu’à la démission en bloc du comité.
  • Son implication a continué lors de la grève de 2015
  • Iel a corédigé Mementum, un livre présentant la mémoire militante du mouvement étudiant à Montréal en passant par l'histoire des groupes étudiants de l'Université de Montréal.
  • Aujourd'hui - Après plusieurs burnout militant, la politique de Dani s’inscrit maintenant davantage dans le soin individuel et collectif, les pratiques artistiques futuristes qui invoquent nos imaginaires radicaux, ainsi que dans les mouvements queer&trans & de solidarité anti-raciste.

Ashley Torres est une militante pour la justice climatique au Québec.


  • Au moment de la mobilisation étudiante de 2019  - Étudiante en science politique à l’université Concordia, elle était l’une des porte-parole du mouvement La planète s’invite à l’université et a été l’une des organisatrices de la grande manifestation pour le climat du 27 septembre 2019 à Montréal qui a rassemblé 500 000 personnes. Ashley a également été une  cofondatrice et co-porte-parole de la Coalition étudiante pour un virage environnemental et social (CEVES) de 2019-2020, années durant laquelle elle coordonne une campagne étudiante contre le projet de pipeline GNL Québec.
  • En 2021, elle a animé des ateliers de stratégies militantes avec le Hub pour la justice climatique. De plus, elle a figuré dans le livre United We Are Unstoppable, qui met en lumière 60 jeunes impliqués dans l'activisme environnemental à travers le monde.
  • Aujourd'hui - Elle est actuellement coordonnatrice de la mobilisation pour la Fédération des associations des arts et des sciences à Concordia.

Absente lors du panel, son analyse à été intégrée aux discussions par d'autres membres présents du panel.

Mise en contexte des groupes

Les commentaires émis sur les groupes sont en italique.


ASSÉ (Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante)

« Fondé en 2001 en marge du Sommet des Amériques » [1] , l'ASSÉ a été un syndicat étudiant ayant regroupé une trentaine d'associations étudiantes combatives au Québec, regroupant des dizaines de milliers de personnes étudiantes membres de niveau collégial et universitaire. La structure de l'ASSÉ fut composée de nombreux comités. Les associations membres ont choisi de dissoudre le groupe en 2019.


En 2012

« L'ASSÉ est l'organisation ayant servi de tremplin à la grève étudiante québécoise de 2012. Dès l'été 2011, l'ASSÉ a menacé le gouvernement québécois de déclencher une grève générale [illimitée] .» [2]


« L’ASSÉ, inspirée par le " syndicalisme de combat" ainsi que par les idées anticapitalistes du MDE [Mouvement pour le Droit à l'Éducation - prédécesseur de l'ASSÉ], se montre à la fois combative et très démocratique, ce qui séduit un grand nombre [de personnes étudiantes] de gauche. » [3]


Structure

Associations étudiantes

Les associations étudiantes peuvent devenir membres de l'ASSÉ. Elles votent lors d'assemblées générales (AG) au sein de leurs groupes, des mandats qu'elles apportent en congrès. Ce sont des personnes déléguées des associations étudiantes membres de l'ASSÉ qui participent au congrès et apportent les mandats votés en AG.

Comités

L'ASSÉ est notamment composée de comités permanent, d'un comité exécutif et de comités de travail. Les membres de ces comités sont élus en congrès et ils siègent au conseil de coordination.

Conseil de coordination Instance d'exécution des mandats adoptés en congrès rassemblant des personnes représentantes de comité élues.
Congrès Instance de prise de décision entre personnes déléguées des différentes associations étudiantes membres de l'ASSÉ.
Source : ancien site de l'ASSÉ

CLASSE (Coalition Large de l'ASSÉ)

La « Coalition large de l’ASSÉ (CLASSE) [a] ralli[é] de nombreuses associations étudiantes désireuses de lutter plus ardemment contre la hausse annoncée et qui se [sont jointes] momentanément à l’ASSÉ en vue du conflit [de 2012]. » [4] Les critères pour rejoindre la CLASSE étaient plus souples que ceux pour rejoindre l'ASSÉ.

Comité aux luttes sociales de l'ASSÉ

Comité des luttes sociales de l'ASSÉ est un comité de l'ASSÉ ayant été composé de deux personnes élues et d'autres personnes collaboratrices tentant d' « apporter des analyses anti-oppression, anti-racistes, anti-coloniales, anti-impérialistes et bien d'autres au sein de l'organisation » [5] .

CEVES (Coalition étudiante pour un virage environnemental et social)

La CEVESa vu le jour au printemps 2020 suite à l'union entre les niveaux secondaire, collégial et universitaires des groupes étudiants qui faisaient la grève pour le climat. Le groupe se décrit aujourd'hui comme un « Mouvement ouvert et grandissant de jeunes en colère luttant pour la justice climatique ».

Expériences militantes

Manque d'écoute et expérience de racisme, sexisme

Des femmes racisées, minoritaires dans le groupes, ne sont pas écoutées.

« Quand on parlait dans un congrès, les personnes parlaient en même temps (ne nous écoutaient pas). Rushdia et moi étions les deux seules femmes racisées qui prennaient la parole.» - Beatriz

Les hommes (cisgenres) sont plus écoutés.
Un homme prend la parole et dit la même chose qu'une personne d'une autre identité l'ayant précédé. On l'écoute.
On refuse l'intersectionnalité On dit des enjeux touchant les femmes et les personnes racisées qu'ils sont « à côté de la mission ».


« Quand on est les seules personnes racisées, on ne veut pas partir vu [cette situation et qu'on veut une approche intersectionnelle dans nos groupes]. »

On instrumentalise les identités sociales des membres On utilise l'identité sociale d'une personne membre du groupe pour faire valoir sa diversité.
On laisse les personnes visées par des commentaires violents répondre.

 On laisse une ou deux personnes dire des choses flagrantes. Puis, seulement les personnes visées vont répondre, pas les autres. 

Hiérarchie

Extraits de la Lettre de démission du comité aux luttes sociales de l'ASSÉ

« Trop souvent à notre goût nous avons entendu des " votre rôle est de prendre des décisions ! Interpréter vos mandats ! " lors de congrès, ou des " Vous n’avez pas de mandats pour prendre ces décisions ", dépendamment de ce que les têtes pensantes veulent faire adopter comme ligne directrice de l’organisation. »


« Nous croyons que cette hiérarchie des responsabilités, des droits de veto informels et des informations est néfaste à long terme, pour tout le monde. »


Les personnes avec plus de pouvoir sont les plus écoutées.

Dans les petits groupes, on écoute ce que les membres du Comité des luttes sociales disaient, mais pas dans les grands groupes. Leur point est entendu, quand il est défendu par une personne avec plus de pouvoir.

Les personnes déléguées des associations étudiantes, une clique.

Les personnes déléguées ont fini par se connaître et former une clique avec un pouvoir plus grand que celui de la seule représentation d'association étudiante.

Les mandats appuyés par les groupes moins populaires mis au second plan.
Les propositions des personnes/groupes moins populaires (comme le comité aux luttes sociales) prenaient moins d'importance que les mandats appuyés par des membres du comité exécutif de l'ASSÉ. Ces mandats reçoivent donc plus de ressources et d'attention.


Ex. Les mandats anti-impérialisme qui pouvaient être mis en pratique dans le cadre de la création de liens avec des associations à l'international.


Ex: Des manifestations organisées par des membres du Comité des luttes sociales recevaient du soutien seulement lorsqu'elles réussissaient.

Les personnes déléguées interprètent elles-mêmes leur mandat. Les mandats donnés par les assemblées étudiantes à des personnes déléguées (faisant souvent partie d'un comité exécutif ou d'une association étudiante) sont interprétés plutôt que directement mis en pratique. Or, dans le cadre des démocraties directes que sont les assemblées générales, les personnes déléguées n'ont pas ce rôle d'interprétation.

Fin de grève et solidarité internationale

En septembre 2012, alors que Pauline Marois annonce l'annulation de la hausse des frais de scolarité, la FECQ ainsi que la FEUQ proclament la fin officielle de la grève étudiante et invitent à freiner les moyens de pression pour participer à un sommet sur l'enseignement supérieur.


À ce moment la CLASSE est toujours active et appelle plutôt à continuer la mobilisation en vue de la gratuité scolaire. Les grèves s'arrêtent graduellement. [6]

Fatigue militante

« Tout le monde était fatigué[E] de la grève, le sentiment à la fin n'était pas un sentiment de victoire. Ce n'était pas notre volonté que la grève se termine. Ça a finit sur une mauvaise note. » - Beatriz

Grève internationale 

International Student Movement avait planifié une grève en novembre. Il y a eu un gros manque de solidarité envers le Comité des luttes sociales pour que cette grève se passe au Québec suite à l'appel du comité.

Hostilités Les hostilités sont à leur comble en décembre et les membres du Comité des luttes sociales vivent des interactions difficiles, méprisantes.

Conclusions

En plus des conclusions de la discussions, la Lettre de démission du comité aux luttes sociales de l'ASSÉ comporte deux sections traitant des voies pouvant être suivies à l'avenir. Afin que l'on puisse apprendre des dynamiques de pouvoir de 2012 : « Pistes de réflexion » (p.24) et « Les recommandations » (p.25-26).


S'éduquer sur les rapports de pouvoir

S'informer et discuter des rapports de pouvoir existants et préxistants

Les privilèges reliés à l'identité et à la classe influencent la situation de pouvoir d'une personne et ses moyens d'actions possibles.


« Lors d'une rencontre avec la CEVES une personne a dit qu'on devrait se dissocier de Solidarité sans Frontières [constitué de personnes aux identités beaucoup plus marginalisées que celle de l'autre groupe] parce que celui-ci avait fait du vandalisme. Ça ma rendue émotive, j'ai pleuré et je suis revenue. »

Diminuer la hiérarchie

Utiliser la démocratie directe plutôt que la représentativité

Dans une structure représentative, des personne déléguées vont voter par elles-mêmes.


Dans une structure de démocratie directe, des personnes déléguées vont voter en fonction de leur mandat.

Limiter le pouvoir décisionnel des « comités exécutifs » Les appeler « comités logistiques » et clarifier leur rôle.
Donner davantage de pouvoir aux groupes qui en ont moins. Éviter de donner toujours plus de pouvoir aux mêmes groupes et en donner à ceux qui en ont moins afin de diminuer la hiérarchie.

Ce n'est pas tout le monde qui peut se permettre de faire du militantisme à temps plein. Il faut penser nos structures en conséquence.

Inclure l'anti-oppression dès les débuts

Offrir des formations aux membres dès que possible

S'éduquer dès que possible permet d'éviter plusieurs situations oppressives au sein des groupes.

« Il y a des cohortes qui sont peu conscientisées sur l'anti-oppression et l'intersectionnalité. C'est un travail continu à faire. » - Rushdia


En 2012, des membres du comité des luttes sociales étaient rémunérées pour offrir des formation sur l'anti-oppression dans différentes parties du Québec.

Donner des ressources

Donner des ressources sur l'intersectionnalité et l'anti-oppression aux groupes.

Reconnaître les différentes capacités

Permettre aux personnes qui ont moins de temps et différentes capacités/privilèges de s'impliquer. Avoir une conversation intentionnelle à ce sujet.

Agir de façon intersectionnelle.

Inclure des liens entres différents enjeux dans le travail qu'on fait et se positionner contre les oppressions.


« Il faut que la majorité des personnes blanches reconnaissent que le racisme est un enjeu qui touche tout le monde.»

Réfléchir à l'exécution des mandats

Il faut se demander ce que veut dire exécuter un mandat. Il faut expliciter ce que veut dire incarner un mandat.

Rendre les assemblées générales plus accessibles

Avoir un gardiennage du senti

En 2005, les situations de pouvoirs étaient un « désastre ». Il n'y avait pas de personnes au senti dans les conseils de coordinnation.

Alterner les tours de parole selon le privilège genré Alterner les tours de parole entre des hommes cisgenre  et des personnes d'autres identités. 
Comptabiliser les tours de parole

Privilégier les prises de parole des personnes ayant le moins parlé. 


Pour ce faire, une personne peut être chargée de compter les tours de paroles des personnes qui interviennent.

Former sur les procédures utilisées Au sein des associations étudiantes québécoises, offrir des formations sur le Code Véronneau afin de permettre à plus de personnes d'être à l'aise de s'exprimer en assemblées générales.

Ressources

Article : La grève étudiante de 2012 et ses suites ont mené à une importante prise de conscience féministe chez plusieurs militantes

Article : 2012. LA PLUS GRANDE GRÈVE DE L’HISTOIRE DU QUÉBEC

Lettre de démission du comité aux luttes sociales : Problématiques, réflexions et recommandations

Politics & Care offre des espaces de discussion méta sur les questions de soin et des façons d'adresser des enjeux notamment liés aux dynamiques de pouvoir dans les groupes.



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