« Mythes sur la « transition énergétique » » : différence entre les versions

De Le Hub
Aller à la navigation Aller à la recherche
Ligne 73 : Ligne 73 :
::''«Pour se donner une idée de l'augmentation de la demande en métaux liée à l'armement, il suffit de comparer la taille des tanks : le char Renault de la Première Guerre mondiale avait une masse de 6,7 tonnes ; le M1 Abrams de l'armée américaine, en usage depuis 1978, pèse dix fois plus, 63 tonnes. Un MRAP (véhicule blindé résistant aux engins explosifs) contient entre trois et quatre tonnes d'acier dopé au nickel, manganèse, chrome ou molybdène. Dans la seule année 2007, pour équiper l'offensive en Irak, les États-Unis en ont produit un millier. »''
::''«Pour se donner une idée de l'augmentation de la demande en métaux liée à l'armement, il suffit de comparer la taille des tanks : le char Renault de la Première Guerre mondiale avait une masse de 6,7 tonnes ; le M1 Abrams de l'armée américaine, en usage depuis 1978, pèse dix fois plus, 63 tonnes. Un MRAP (véhicule blindé résistant aux engins explosifs) contient entre trois et quatre tonnes d'acier dopé au nickel, manganèse, chrome ou molybdène. Dans la seule année 2007, pour équiper l'offensive en Irak, les États-Unis en ont produit un millier. »''
::[[Fichier:Carbone page-00012.jpg|500px|frameless]][[Fichier:Capteurs e page-0001.jpg|500px|frameless]]
::[[Fichier:Carbone page-00012.jpg|500px|frameless]][[Fichier:Capteurs e page-0001.jpg|500px|frameless]]
Avec la guerre en Ukraine et en Palestine, les puissances occidentales relancent compulsivement cette industrie. Par exemple, les gisements mondiaux de graphite, métal jugé «critique» pour la transition mais aussi essentiel à l'industrie militaire, se trouvent majoritairement en Chine. Celui-ci est de loin le plus grand producteur de graphite au monde [https://protectionpetitenation.com/concurrence-mondiale-graphite/]. L'Ukraine, pour sa part, arrive cinquième dans la liste, ce qui peut expliquer en partie l'empressement de l'Union européenne à défendre l'Ukraine face à l'invasion russe. On a en effet de fortes raisons de soupçonner que le soutien des puissances occidentales à l'Ukraine est grandement motivé par la sécurisation de ses approvisionnements en graphite. Mentionnons également les nombreuses entreprises canadiennes qui fabriquent des armes envoyées à l'armée israélienne pour alimenter le génocide palestinien. Parmi ces entreprises, on compte Héroux-Devtek, dont son usine à Longueil fabrique des trains d'atterrissage pour les avions militaires F-35 utilisés par Israël à Gaza [https://pivot.quebec/2024/04/02/heroux-devtek-bloque-pour-sa-contribution-aux-avions-f-35-utilises-a-gaza/].
Avec les '''guerres en Ukraine et en Palestine''', les puissances occidentales relancent compulsivement cette industrie. Par exemple, les gisements mondiaux de graphite, métal jugé «critique» pour la transition mais aussi essentiel à l'industrie militaire, se trouvent majoritairement en Chine. Celui-ci est de loin le plus grand producteur de graphite au monde [https://protectionpetitenation.com/concurrence-mondiale-graphite/]. L'Ukraine, pour sa part, arrive cinquième dans la liste, ce qui peut expliquer en partie l'empressement de l'Union européenne à défendre l'Ukraine face à l'invasion russe. On a en effet de fortes raisons de soupçonner que le soutien des puissances occidentales à l'Ukraine est grandement motivé par la sécurisation de ses approvisionnements en graphite. Mentionnons également les nombreuses entreprises canadiennes qui fabriquent des armes envoyées à l'armée israélienne pour alimenter le génocide palestinien. Parmi ces entreprises, on compte Héroux-Devtek, dont son usine à Longueil fabrique des trains d'atterrissage pour les avions militaires F-35 utilisés par Israël à Gaza [https://pivot.quebec/2024/04/02/heroux-devtek-bloque-pour-sa-contribution-aux-avions-f-35-utilises-a-gaza/].


Au soi-disant Québec, la mine de La Loutre est un cas de projet minier où les intérêts militaires sont plus qu'évidents. En effet, ce projet, dont les titres miniers datent de 1988, est aujourd'hui lancé par Lomiko Metals Inc., une minière canadienne basée en soi-disant Colombie-Britannique [https://protectionpetitenation.com/historique-du-projet-lomiko/]. En mai 2024, Lomiko a reçu 11,4 millions de dollars du département de la Défense des États-Unis pour financer cette future mine en Haute-Mauricie [https://www.lapresse.ca/affaires/entreprises/2024-09-26/filiere-quebecoise-des-batteries/la-defense-americaine-sort-encore-le-chequier.php?f]. Le Pentagone a affirmé que le graphite produit par Lomiko servira pour électrifier les transports en Amérique du Nord et pour des « applications de défense » [https://www.lapresse.ca/affaires/2024-07-13/mine-de-graphite/des-villes-de-l-outaouais-s-unissent-pour-faire-des-consultations-sur-un-projet.php?sharing=true&fbclid=IwZXh0bgNhZW0CMTAAAR2rSRsHz6GxEUb8VrtDXZyUdOUBgAxsBOcLSVEIjb-Uj3KCgPRXuUwG5jE_aem_-nvGhFKoTuy9zqM-ZRYnsw]. Les habitant·es de la région se mobilisent depuis plusieurs années contre ce projet, qui servira visiblement à alimenter la course aux armements et l'armée étasunienne [https://miningwatch.ca/fr/news/2024/6/3/transition-energetique-ou-militaire-la-subvention-par-larmee-americaine-dun-projet-de].
Au soi-disant Québec, la '''mine de La Loutre''' est un cas de projet minier où les intérêts militaires sont plus qu'évidents. En effet, ce projet, dont les titres miniers datent de 1988, est aujourd'hui lancé par Lomiko Metals Inc., une minière canadienne basée en soi-disant Colombie-Britannique [https://protectionpetitenation.com/historique-du-projet-lomiko/]. En mai 2024, Lomiko a reçu 11,4 millions de dollars du département de la Défense des États-Unis pour financer cette future mine en Haute-Mauricie [https://www.lapresse.ca/affaires/entreprises/2024-09-26/filiere-quebecoise-des-batteries/la-defense-americaine-sort-encore-le-chequier.php?f]. Le Pentagone a affirmé que le graphite produit par Lomiko servira pour électrifier les transports en Amérique du Nord et pour des « applications de défense » [https://www.lapresse.ca/affaires/2024-07-13/mine-de-graphite/des-villes-de-l-outaouais-s-unissent-pour-faire-des-consultations-sur-un-projet.php?sharing=true&fbclid=IwZXh0bgNhZW0CMTAAAR2rSRsHz6GxEUb8VrtDXZyUdOUBgAxsBOcLSVEIjb-Uj3KCgPRXuUwG5jE_aem_-nvGhFKoTuy9zqM-ZRYnsw]. Les habitant·es de la région se mobilisent depuis plusieurs années contre ce projet, qui servira visiblement à alimenter la course aux armements et l'armée étasunienne [https://miningwatch.ca/fr/news/2024/6/3/transition-energetique-ou-militaire-la-subvention-par-larmee-americaine-dun-projet-de].


=== Qui utilise des métaux? ===
=== Qui utilise des métaux? ===

Version du 23 février 2025 à 17:28

De nos jours, on entend souvent parler de « transition énergétique », comme s'il s'agissait d'un plan qui allait sauver l'humanité de la crise climatique. Mais qu'en est-il vraiment? La « transition énergétique » propulsée par les États n'est rien d'autre qu'un projet de relance de l'industrie minière. En gros, comme on le verra dans les lignes qui suivent, cette opération s'inscrit dans un historique d'extractivisme, de colonialisme, de capitalisme et d'écocide.

Ce texte offre un portrait global de l'industrie minière au XXIe siècle, à l'échelle mondiale. Il permettra de comprendre les liens étroits entre l'industrie minière et le projet d'écoblanchiment nommé « transition énergétique ». Pour ce faire, les débouchés réels des «métaux de la transition» seront examinés. On étudiera enfin les liens entre cette opération minière et le système capitaliste colonial actuel.


Quel est le but d'apprentissage de ce texte?

Ce texte fait partie d'une série d'articles qui visent à déconstruire plusieurs mythes entretenus par les élites économiques et politiques et les minières sur leur projet de «transition énergétique». Celle-ci est propulsée à toute vitesse par les gouvernements, les lobbys et les instances internationales néolibérales, sous couvert de la protection de l'environnement. Cependant, il importe d'investiguer les enjeux logistiques et industriels derrière une telle « transition énergétique », ainsi que les réels intérêts en jeu.

Ces mythes servent bien entendu les intérêts du capital et de l'État, en légitimant la perpétuation et la croissance de l'industrie minière. Il importe de déconstruire ces mythes qui menacent les populations humaines et l'ensemble du vivant. Le but de cette série d'articles est d'offrir un contre-discours à la propagande d'écoblanchiment menée par les forces capitalistes coloniales.

Comment naviguer à travers ce texte?

Les mythes ci-dessous peuvent se lire séparément, isolément, à l'envers, en désordre et en pyjama. Chaque section est indépendante des autres. N'hésitez pas à choisir les mythes qui attirent plus votre attention ou à les lire au complet.

D'où viennent les informations?

La plupart des informations qui figurent dans cet article proviennent du livre La ruée minière au XXIe siècle : Enquête sur les métaux à l'ère de la transition, publié par Celia Izoard en 2024, aux éditions de la rue Dorion. Cet essai est un compte-rendu d'une recherche exhaustive menée par la journaliste d'enquête Celia Izoard.  À la fin de chaque mythe, les pages de ce livre qui sont citées sont énoncées. Les autres ressources utilisées pour rédiger le mythe sont également nommées.


L'âge d'or des mines, c'était pendant la révolution industrielle aux 18e et 19e siècles.

On a tendance à croire que les mines sont l'affaire du passé. Or, loin de là, il y a encore de nos jours de plus en plus de mines en activité. L'industrie minière est donc plus que jamais un sujet d'actualité.

Combien de mines y a-t-il sur Terre?

Il est difficile d'évaluer le nombre de projets miniers en cours, car les industriels utilisent  différents moyens pour dissimuler les informations sur leurs exploitations minières. Néanmoins, la base de données la plus exhaustive comptabilise 34 820 mines, en incluant celles qui sont inactives. On estime aussi qu'il existe plus de 100 000 km2 de surface terrestre occupée par des mines actives en 2022, sans compter les 40% de mines souterraines.

Où sont ces mines?

Contrairement à la croyance populaire, ces mines ne se situent pas que dans le Sud global, bien qu'elles y soient plus nombreuses. En effet, les mines ont colonisé tous les continents et on en trouve dans presque tous les pays du monde, de la Colombie à l'Ukraine, en passant par le Maroc, les pays africains des Grands Lacs, le Mexique, l'Espagne, le Chili, le Canada, le Brésil, le Portugal, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les États-Unis et la Turquie, pour n'en nommer que quelques-uns.

Combien de métaux produit-on?

Étant donné qu'il y a plus de mines qu'avant, on exploite toujours plus de minéraux. Par rapport au tournant du millénaire, on produit aujourd'hui deux fois plus de métaux par année à l'échelle planétaire. 
Non seulement on extrait de plus en plus de métaux, mais cette augmentation elle-même s'accélère. Au cours des vingt prochaines années, la production annuelle mondiale de métaux sera jusqu'à dix fois plus grande qu'aujourd'hui. Si la tendance du marché actuel se maintient, « on s'apprête à extraire dans les trente prochaines années autant de métaux qu'on en a extrait depuis le début de l'humanité ».
Bref, les mines, c'est pas une affaire réglée, c'est un sujet brûlant d'actualité.

Références

La ruée minière au XXIe siècle : Enquête sur les métaux à l'ère de la transition : pages 16, 33, 57, 107-116

Il y a assez de métaux pour décarboner les économies actuelles.

Il n'y a pas assez de métaux disponibles et exploitables pour décarboner l'ensemble des pays, avec leurs économies telles qu'elles le sont aujourd'hui. Dans ce contexte, les pays riches se font donc la compétition pour décarboner leur économie aux dépends des autres pays.

Des gisements moins concentrés

Les ressources minérales sont déjà presque déficientes. Jusqu'au 19e siècle, on pouvait trouver de l'or « natif » ou de l'argent « natif », c'est-à-dire en extrait pur. Aujourd'hui, on exploite des micro-poussières de métaux dans des roches de 300 à 3000 mètres de profondeur. En effet, les gisements de métaux sont de moins en moins concentrés : cela signifie que l'on doit extraire de plus en plus de roches pour obtenir une même quantité d'un certain métal. Extraire plus de roches implique nécessairement plus de déchets toxiques et plus d'eaux contaminées. On doit également creuser de plus en plus loin sur terre et sous terre pour obtenir des roches concentrées en minéraux. En bref, l'extraction minière est de plus en plus compliquée techniquement et de plus en plus polluante.

Combien de métaux est-ce que ça prendrait pour « transitionner » ?

C'est dans ce contexte de pénurie de ressources minérales que s'inscrit la ruée minière actuelle. Le projet de « transition énergétique » des élites capitalistes dépend donc de quantités phénoménales et croissantes de ressources, lesquelles s'amenuisent de plus en plus rapidement.   Simplement pour électrifier le parc automobile en Grande-Bretagne, il faudrait deux ans de production actuelle annuelle mondiale de cuivre, les 3/4 de celle du lithium et la moitié de celle du cuivre. L'étude la plus exhaustive à ce jour, effectuée par l'Institut géologique de Finlande, estime que pour décarboner l'ensemble de la production énergétique de la planète, il faudrait utiliser 28 fois la production mondiale annuelle actuelle de cuivre, 74 fois celle de nickel, plus de 1000 fois celle de lithium, etc. Étant donné que l'activité industrielle et la production capitaliste sont en augmentation croissante sur la planète, ces quantités risquent d'augmenter davantage au cours des prochaines années. 

Les États ont peur de manquer de métaux.

Les industriels et les élites politiques elleux-mêmes créent des alliances entre États afin de sécuriser leur approvisionnement en métaux «de la transition» : « les puissances occidentales s'associent entre elles pour créer un marché international des métaux entre pays amis - tel le partenariat métaux stratégiques conclu en juin 2022 entre les États-Unis, la Commission européenne, l'Australie, le Canada, la Finlande, la France, l'Allemagne, le Japon, le Royaume-Uni, la Suède et la Corée du Sud». C'est une preuve supplémentaire que la disponibilité des métaux est plus qu'incertaine. 

En somme, on a de sérieuses raisons de douter de la faisabilité du projet capitaliste de « transition énergétique » à l'échelle mondiale. Il est fort probable que les métaux viennent à manquer, ou du moins que leurs coûts d'exploitation les rendent inaccessibles aux industries.

Références

La ruée minière au XXIe siècle : Enquête sur les métaux à l'ère de la transition : pages 28-30, 33, 41, 198

Les mines servent à extraire les métaux pour la transition énergétique.

La « transition énergétique » imposée par les États capitalistes n'est qu'une mascarade. Ce projet, qu'on peut qualifier d'écoblanchiment (greenwashing), ne sert nullement la protection de l'environnement. Il sert uniquement le maintien du mode de production capitaliste et la croissance des richesses des classes dominantes.

Les métaux du numérique

En effet, les fameux « métaux de la transition » s'avèrent être en grande partie les mêmes que ceux du numérique, de l'armement et de l'aérospatiale... Quel hasard! Bien souvent, quand on examine où vont ces métaux une fois extraits, on constate qu'ils alimentent en grande partie des industries sales qui n'ont rien à voir avec la « transition énergétique ». Voici en rafale quelques exemples de tels métaux polyvalents : 

«On [les gouvernements coloniaux] avance par exemple la nécessité d'exploiter des gisements de terres rares afin d'obtenir du néodyme pour les aimants permanents des éoliennes. Mais comme l'a constaté Judith Pigneur, géologue et docteure en génie industriel, seule une fraction des volumes produits sont utilisés à cette fin. Le néodyme, en revanche, joue un rôle crucial dans la production de cartes électroniques, de haut-parleurs et d'écouteurs, mais aussi dans l'aérospatiale et la défense. Le lithium, le cobalt et le graphite sont aussi nécessaires à la production de batteries pour les véhicules électriques que pour les appareils électroniques. Les mines de cuivre servent autant à électrifier le transport qu'à câbler les data centers. Les mines d'argent fournissent, à la marge, des contacteurs pour les panneaux photovoltaïques, mais surtout l'une des principales matières premières de tout appareil connecté. »

De plus, la plupart des gisements des « métaux de la transition » contiennent également de grandes quantités d'autres métaux du numérique. En effet, ces métaux se trouvent souvent jumelés dans les mêmes minerais. Par exemple, les mines de cuivre servent généralement à exploiter aussi du palladium, du rhodium, du ruthénium, de l'iridium, de l'argent, du molybdène, du sélénium, du platine et du terbium, qui sont tous des métaux nécessaires pour fabriquer des téléphones cellulaires. Les minière en profitent donc souvent pour prétendre que leurs mines servent la «transition énergétique», alors que dans les faits, ils y exploitent une gamme de métaux de l'électronique.

Les métaux de l'armement

En plus de servir pour fabrique des électroniques, les « métaux de la transition » sont particulièrement utiles pour l'industrie militaire. Les quantités de métaux utilisés pour fabriquer les avions et les équipements militaires sont aussi astronomiques. Depuis la Première Guerre mondiale et la Guerre froide, les États se sont lancés dans des courses à l'armement extrêmement consommatrices en métaux. De plus, les engins militaires eux-mêmes sont de plus en plus gros et nécessitent de plus en plus de métaux:

«Pour se donner une idée de l'augmentation de la demande en métaux liée à l'armement, il suffit de comparer la taille des tanks : le char Renault de la Première Guerre mondiale avait une masse de 6,7 tonnes ; le M1 Abrams de l'armée américaine, en usage depuis 1978, pèse dix fois plus, 63 tonnes. Un MRAP (véhicule blindé résistant aux engins explosifs) contient entre trois et quatre tonnes d'acier dopé au nickel, manganèse, chrome ou molybdène. Dans la seule année 2007, pour équiper l'offensive en Irak, les États-Unis en ont produit un millier. »

Avec les guerres en Ukraine et en Palestine, les puissances occidentales relancent compulsivement cette industrie. Par exemple, les gisements mondiaux de graphite, métal jugé «critique» pour la transition mais aussi essentiel à l'industrie militaire, se trouvent majoritairement en Chine. Celui-ci est de loin le plus grand producteur de graphite au monde [1]. L'Ukraine, pour sa part, arrive cinquième dans la liste, ce qui peut expliquer en partie l'empressement de l'Union européenne à défendre l'Ukraine face à l'invasion russe. On a en effet de fortes raisons de soupçonner que le soutien des puissances occidentales à l'Ukraine est grandement motivé par la sécurisation de ses approvisionnements en graphite. Mentionnons également les nombreuses entreprises canadiennes qui fabriquent des armes envoyées à l'armée israélienne pour alimenter le génocide palestinien. Parmi ces entreprises, on compte Héroux-Devtek, dont son usine à Longueil fabrique des trains d'atterrissage pour les avions militaires F-35 utilisés par Israël à Gaza [2].

Au soi-disant Québec, la mine de La Loutre est un cas de projet minier où les intérêts militaires sont plus qu'évidents. En effet, ce projet, dont les titres miniers datent de 1988, est aujourd'hui lancé par Lomiko Metals Inc., une minière canadienne basée en soi-disant Colombie-Britannique [3]. En mai 2024, Lomiko a reçu 11,4 millions de dollars du département de la Défense des États-Unis pour financer cette future mine en Haute-Mauricie [4]. Le Pentagone a affirmé que le graphite produit par Lomiko servira pour électrifier les transports en Amérique du Nord et pour des « applications de défense » [5]. Les habitant·es de la région se mobilisent depuis plusieurs années contre ce projet, qui servira visiblement à alimenter la course aux armements et l'armée étasunienne [6].

Qui utilise des métaux?

Voici une liste des industries en croissance actuellement et qui nécessitent des métaux :

  • électronique
  • télécommunications
  • informatique
  • aéronautique
  • automobile
  • spatiale
  • chimie
  • énergies « vertes »
  • nucléaire
  • armement
  • infrastructures électriques

En bref, quand on examine plus en détail les intérêts en jeu dans l'exploitation des « métaux de la transition », on constate qu'ils serviront surtout à relancer toutes sorte d'industries sales qui rapportent beaucoup aux élites capitalistes, comme le numérique, l'armement et l'aérospatiale. Cette prétendue « transition énergétique » servira donc à concevoir tout sauf des transports en commun...

Références

La ruée minière au XXIe siècle : Enquête sur les métaux à l'ère de la transition : pages 160-161, 171-174, 176-181, 185-196, 199

Financement de la mine de la Loutre par la Défense étasunienne

Débouchés des métaux de la mine de la Loutre

Historique du projet de la mine de la Loutre

Mobilisations contre la mine de la Loutre

Concurrence mondiale autour du graphite

Héroux-Devtek

La transition énergétique est une solution concrète qui nous sortira de la crise climatique.

La transition énergétique telle qu'elle est planifiée par les élites politico-économiques est un projet fondamentalement capitaliste, colonial et destructeur du vivant. Comme on le verra, proposer des solutions techniques n'est pas suffisant : il faut aussi combattre le système en place et amorcer une décroissance minérale et énergétique.

Une opportunité très rentable

Aux dires mêmes des industriels, la « transition énergétique » est une opportunité en or pour faire plus de profits :

« La transition mondiale vers un avenir à plus faible empreinte carbone représente une importante occasion de croissance pour l’industrie minière canadienne. Les minéraux et les métaux sont les pierres angulaires des technologies peu polluantes. Selon un rapport de la Banque mondiale publié en 2017, l’utilisation accrue de telles technologies dans les secteurs de l’énergie éolienne, de l’énergie solaire et du stockage d’énergie permettra d’augmenter la demande pour de nombreux minéraux et métaux. » [7]

Or, les mines ne seront jamais écologiques, comme on peut le lire dans l'article Mythes sur la «mine écoresponsable».

Le mirage du char électrique

Bref, nul besoin de fouiller loin pour interpréter leurs motivations derrière cette entreprise d'écoblanchiment : les entreprises avouent elles-mêmes qu'il s'agit d'un prétexte pour augmenter l'extraction minière. D'ailleurs, cette augmentation de la production de métaux servira à revitaliser d'autres industries sales, comme l'industrie automobile. En effet, le plan des politicien·ne·s de nombreux pays consiste essentiellement à remplacer le parc automobile conventionnel par des voitures électriques, bien qu'il soit avéré qu'il ne s'agit pas une solution écologique, tel qu'expliqué dans le mythe « Un char électrique est moins polluant qu'un char à gaz ». 

Dans un contexte politique où l'atteinte de « cibles carbone » est encouragée par des accords internationaux, plusieurs pays prévoient interdire la vente de véhicules à essence dans les années à venir. Le mirage de la voiture électrique est donc une opportunité pour les entreprises automobiles de se recycler et de continuer à vendre toujours plus. En effet, le nombre de véhicules sur les routes augmente chaque année au soi-disant Québec, et les ventes de véhicules électriques augmentent plus vite que celles des voitures à essence. [8]

Les gadgets numériques

L'industrie du numérique est également l'une des heureuses élues de la nouvelle stratégie de légitimation du capitalisme écocidaire. En effet, elle consomme également des quantités faramineuses de métaux dits « stratégiques ». Non seulement la fabrication de ces appareils technologiques est néfaste dans le système capitaliste actuel, mais elle ne pourrait être responsable, même dans le meilleur des mondes. En effet, un objet comme un cellulaire, qui contient plus de 50 métaux différents, doit forcément faire appel à des industries sales des quatre coins du globe, puisque le traitement d'un seul métal passe bien souvent par plusieurs pays avant d'être complété. En conclusion, certains objets ne sont tout simplement pas viables, tant du point de vue environnemental que social. Il en est de même pour les produits de l'industrie militaire, qui servent par définition à tuer le vivant. Le mythe « Les mines servent à extraire les métaux pour la transition énergétique » liste également d'autres industries qui seront favorisées par la « transition énergétique » capitaliste.

Et les classes politiques dans tout ça?

Que la transition énergétique soit récupérée par les entreprises capitalistes, certes. Maintenant qu'en est-il des classes politiques?

Leurs alliés technocrates

Contrairement à ce que certain·ne·s prétendent, les politicien·ne·s ne sont pas des chiens de garde de l'écologie : iels ne surveillent ni ne régulent l'économie de manière à protéger l'environnement ou à contrer la crise climatique. Au contraire, ces élites politiques s'appuient sur des technocrates pour promouvoir des solutions technologiques qui nous permettraient de maintenir la croissance capitaliste de manière soi-disant « durable » et « écologique ». Or, comme on peut le constater dans mythe « Les nouvelles technologies rendent les mines plus écoresponsables », les pseudo « solutions » technocrates permettent plutôt d'optimiser les procédés industriels afin de produire encore plus (et de polluer encore plus). En outre, les multiples gadgets inventés par ces technocrates nécessitent eux-mêmes des quantités importantes de ressources, ce qui justifie encore une fois d'extraire encore plus de matières premières.

L'effet-rebond

De plus, les nouvelles technologies prétendument «écoresponsables» provoquent ce qu'on appelle l'«effet-rebond». Tel qu'expliqué dans le livre Pour une écologie du 99% : 20 mythes à déboulonner sur le capitalisme, ce phénomène survient lorsque la propagande d'écoblanchiment autour d'un·e marchandise déculpabilise les gens d'acheter ce bien, les entrainant à consommer davantage de ce bien ou d'un autre bien. À l'échelle sociétale, il en résulte une augmentation globale de la production et de la consommation de ces marchandises.

Il faut proposer des alternatives, mais aussi combattre le système en place

Ni le recyclage des métaux, ni aucune autre solution technocrate envisagée par les promoteur·rices de la « transition énergétique » capitaliste ne résoudront la crise climatique.

Pour éviter le pire de la crise climatique, il faudra certes des alternatives techniques pour modifier notre mode de vie et de production. Rejeter le mode de production capitaliste, ça implique forcément de grands changements concrets dans le quotidien de toustes : ne plus acheter ses meubles au IKEA, mais les fabriquer en communauté dans des ateliers; ne plus utiliser de machineries agricoles, mais faire de l'agriculture à échelle humaine, etc. En bref, ne plus extraire de combustibles fossiles, mais engager une décroissance énergétique. Et utiliser moins d'énergie, ça veut dire dé-automatiser bien des processus de production: sortir des usines la fabrication de vêtements, d'aliments, de meubles, d'objets, etc. Bref, la décroissance énergétique et minérale, ça veut dire réapprendre des savoirs techniques qui se sont perdus et en développer de nouveaux.

Bien qu'il soit important et gratifiant de proposer des solutions concrètes au lieu de juste dénoncer le système en place, on ne doit pas tomber dans le piège d'abandonner la deuxième stratégie (ce que font les partisan·es de la transition énergétique). En effet, on jouerait alors le jeu des classes politiques : « les élites capitalistes se sont empressées d'adopter les alternatives techniques en ignorant le problème politique de fond qui remettait radicalement en question la croissance industrielle ».

En somme, il importe d'envisager en priorité une décroissance minérale combinée à une révolution du système politique et économique. Faire de la couture et abolir le capitalisme colonial qui nous mène droit au gouffre.

Références

La ruée minière au XXIe siècle : Enquête sur les métaux à l'ère de la transition : pages 278-280, 291, 293-295

Pour une écologie du 99% : 20 mythes à déboulonner sur le capitalisme, publié par Frédéric Legault, Arnaud Theurillat-Cloutier et Alain Savard en 2021 aux éditions Écosociété : pages 104-105

L'industrie minière canadienne, p.11

Chars électriques

Conclusion

Si vous avez des corrections ou des ressources complémentaires à nous partager en lien avec ce contenu, vous pouvez contacter bibliothecaire@lehub.ca.


Revenir à la page d'accueil