Guide d'écriture inclusive
Ce contenu a été rédigé par Alexandra Dupuy et mis en forme par le HUB afin d'être présenté sur ce Wiki.
L'intersectionnalité ne s’observe pas uniquement dans les politiques mises en place, elle s’observe surtout dans la mise en application de celles-ci. La langue est porteuse de sens; elle est le reflet de nos convictions, mais également de nos biais. Par l’emploi de certaines formes, nous avons le pouvoir d’inclure des personnes dans le discours qui sont généralement invisibilisées.
Voici donc un guide interne conçu en fonction de vos besoins et des personnes auxquelles vous vous adressez lorsque vous écrivez. Ce guide n’est en aucun cas une prise de position sur ce qu’est l’écriture inclusive, considérant que sa définition même ainsi que les formes qui y sont associées ne font présentementpas consensus auprès des communautés linguistiques francophones.
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L'écriture inclusive
Tout d’abord, qu’est-ce que l’écriture inclusive ? En français, l’écriture inclusive est polysémique; alors que l’Office québécois de la langue française la décrit comme étant « une rédaction qui consiste à éviter les genres grammaticaux masculin et féminin en ce qui concerne les personnes, sans toutefois faire appel à des néologismes, au contraire de la rédaction non binaire (OQLF, 2018) ». Du côté de la France, le Haut conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (2015) la définit plutôt comme une manière de représenter les hommes et les femmes de manière égale en réaffirmant la dichotomie des genres (Manesse & Siouffi, 2019).
On peut donc voir que certaines personnes interprètent l’inclusivité linguistique comme étant une manière de rendre compte des femmes dans le texte, alors que d’autres prennent en considération les autres identités de genre qui sortent de la binarité et désirent du même fait, les visibiliser.
Vers une réelle inclusivité
Il est à noter que certaines formes ne sont pas présentées par mesure de précaution puisqu’elles ont le potentiel d’exclure des personnes qui utilisent la langue écrite autrement que par la lecture dite traditionnelle (par exemple, les personnes qui font l’usage de programmes de lecture automatique, les personnes qui utilisent le braille, etc.) et qu’elles ont également le potentiel de nuire la lecture chez certaines personnes[1].
Alpheratz (2019) définit ainsi la langue inclusive de la manière suivante : « Une
langue inclusive est une variété d’une langue standard, qui s’en distingue par
des procédés langagiers évitant de reproduire des hiérarchies symboliques et
sociales associées à des éléments morphosyntaxiques et fondées sur différents
critères de discrimination (sexe, genre, âge, mobilité, origine géographique,
orientation sexuelle, fonctionnement neurologique, classe socio-professionnelle,
etc.) »
Les proposition suivantes s’inscrivent dans une neutralisation de la langue, qui
permet d’inclure toutes les personnes dans l’essence de la définition donnée par
Alpheratz (2019) et d’éviter de les mégenrer[2].
Lexique inclusif
Dans le cadre de vos rédactions, vous aurez à recourir à plusieurs expressions propres aux missions de votre organisation. Voici donc quelques astuces linguistiques afin de rendre ces dernières neutres, donc sans marque de genre sémantique[3].
Appellation de personnes dans un contexte militant
Appellation | Appellation neutre |
Militant/militante (singulier)
|
→ personne militante et personne militant (utilisation du gérondif).
|
Organisateur/organisatrice (singulier)
|
→ personne organisatrice, personne qui organise et personne organisant (utilisation du gérondif) et
|
Participant/participante (singulier)
|
→ personne participante, personne qui participe et personne participant à ____ (utilisation du gérondif)
|
Animateur/animatrice (singulier)
|
→ personne animatrice, personne qui anime et personne animant (utilisation du gérondif) et l’animation
|
Facilitateur/facilitatrice (singulier)
|
→ personne facilitatrice, personne qui facilite et personne facilitant (utilisation du gérondif)
|
Présentateur/présentatrice (singulier)
|
→ personne présentatrice, personne qui présente et personne présentant (utilisation du gérondif), la présentation est/était/sera effectuée par ____
|
Formateur/formatrice (singulier)
|
→ personne formatrice, personne qui forme, personne qui assure la formation, personne formant, la formationest/était/sera effectuée par ___
|
Allié/alliée (singulier)
|
→ personne alliée et personne qui s’allie, personnes’alliant (utilisation du gérondif)
|
Expressions employées dans le cadre de l’organisation d’activités
Expression avec marqueur de genre |
Expression sans marqueur de genre |
Êtes-vous inscrit·e ? |
Dans ce contexte, il est plus favorable d’utiliser l’auxiliaire avoir puisque le participe passé qui est rattaché n’est pas indicateur du genre du sujet.
|
Atelier anti-oppression pour militant.e.s écolos |
Dans ce contexte, il est plus favorable d’utiliser des noms d’ensemble afin de ne pas marquer le genre.
|
Accord des adjectifs et des déterminants
Les adjectifs et les déterminants reçoivent l’accord en genre et en nombre du nom qu’ils complémentent. Ainsi, le recours à des mots neutres permet un accord en genre grammatical, sans qu’il y ait de genre sémantique rattaché.
Mots |
Mots neutres |
Nouveau/nouvelle | nouvelles inscriptions, nouveau groupe, nouvelle personne, etc |
Allié/alliée | personne alliée, groupe allié, organisation alliée, association, alliée, etc. |
Tous/toute/toutes : | toute inscription, toutes les personnes inscrites, tous les groupes alliés, etc. |
Stratégies rédactionnelles vers une écriture plus inclusive [4]
1. Éviter le recours au déterminant
Dans le contexte où les mots épicènes[5] ne sont pas marqués par le genre, supprimer le déterminant peut permettre de conserver un flou quant au genre sémantique.
Avec déterminant |
Sans déterminant |
Zoyanne est une porte-parole pour cette organisation. | → Zoyanne est porte-parole pour cette organisation. |
Dans certains contextes où le nom est suivi d’un élément complémenteur, certaines reformulations peuvent être nécessaires.
Nom avec adjectif |
Reformulé sans adjectif |
Zoyanne est une porte-parole très engagée pour la justice climatique
|
→ Zoyanne est porte-parole et son travail quant à la justice climatique est très
Ici l’accord de l’adjectif engagé s’est effectué avec travail. |
→ Zoyanne est porte-parole et démontre de l’engagement pour la justice
| |
→ Zoyanne est porte-parole et s’engage beaucoup pour la justice climatique.
Ici l’adjectif engagée a été verbalisé pour devenir s’engage. |
Note : Il est normal qu’au début la reformulation ne soit pas naturelle et qu’elle demande de réfléchir. C’est un processus qui se pratique et qui devient plus
facile avec l’expérience.
2. Éviter le recours aux formulations pour désigner des personnes
Dans le contexte où l’emploi de formes pour désigner des personnes de manière neutre peut s’avérer long, il est recommandé de décrire un concept en
faisant le moins de référence possible à des personnes.
Désignation de personnes |
Sans désignation de personnes |
Les personnes participantes ont beaucoup discuté lors de la dernière table-ronde. |
→ Beaucoup de discussions ont eu lieu lors de la dernière table-ronde. |
3. Verbaliser des noms
Les verbes ne sont pas porteurs d’accord, à l’exception des participes passés avec l’auxiliaire être [6]. Il est ainsi plus simple de neutraliser un texte en ayant recours à la stratégie de verbalisation des noms genrés.
Nom genré |
Transformation du nom en verbe |
Florence est l’animatrice de la table-ronde. | → Florence anime la table-ronde. |
4. Renominaliser des noms
Les noms pour désigner les personnes peuvent être transformés en noms désignant la chose même qui est
associée à celles-ci. On peut ainsi supprimer la marque de genre propre à la personne, tout en conservant le sens de l’énoncé.
Nom et personne | Nom et chose |
Florence est la présentatrice de cette conférence. | → Florence assurera la présentation lors de cette conférence. |
5. Nominaliser des adjectifs
Les adjectifs portent la marque de genre du nom qu’ils complémentent. Transformer un adjectif en nom permet ainsi
de supprimer le marqueur de genre associé à une personne.
Adjectif |
Transformé en nom |
Tom est affilié à une organisation écologiste. | → Tom a une affiliation à une organisation écologiste. |
Bonnes pratiques
Bien que le recours aux formulations neutres puisse être approprié dans une large partie des contextes, ces dernières peuvent également ne pas l’être. Voici donc quelques conseils lorsque vous rédigez :
- Dans le contexte où un texte est écrit de manière à décrire spécifiquement une personne : qu’elle marque d’accord cette dernière veut-elle que j’utilise ? Lorsqu’une personne se sent plus à l’aise qu’on la décrive à l’aide de formes non recensées dans ce guide, l’emploi des formes favorisées par la personne devrait être privilégié. Il s’agit d’une marque de respect.
Il n’est pas recommandé de demander à une personne d’afficher ses pronoms ou de nous les donner, considérant que chaque personne ne se sent pas nécessairement à l’aise de divulguer cette information dans certains cercles, au même titre qu’une personne pourrait ressentir un malaise à indiquer son orientation sexuelle. De manière générale, les personnes indiquent leurs pronoms ainsi que les accords dans leur signature de courriel. Si ce n’est pas le cas, il ne faut pas présumer que la personne est cisgenre.
- L’emploi de formes épicènes peut invisibiliser les caractéristiques propres d’un groupe d’individus. Ainsi, la prudence est de mise dans l’emploi d’appellations comme autochtones. Certaines personnes préfèrent l’emploi de termes propres à leurs communautés afin de mettre de l’avant le caractère distinct de celle-ci. La manière d’écrire le nom d’une ommunauté devrait se faire en fonction des préférences de la personne concernée et pas nécessairement en fonction de la forme promue par une institution linguistique ou par un ouvrage normatif tel un dictionnaire.
- L’emploi de formes genrées peut être favorisé dans un contexte où on cherche à visibiliser les personnes qui font partie d’un groupe. Ainsi, si on sait qu’un groupe de personnes ayant organisé un événement est exclusivement composé de femmes, il peut être approprié d’employer la forme les organisatrices.
- Afin d’éviter des tournures de phrases lourdes et d’avoir un texte monotone, il est suggéré de varier les stratégies tout en essayant d’avoir un texte cohérent; cela permettra de rythmer le texte et de conserver l’intérêt du lectorat.
Notes
[1] Il est toutefois à noter que jusqu’à ce jour, aucune étude n’a été effectuée sur l’impact de certaines formes d’écriture dite inclusive sur la lecture des personnes dyslexiques (Thibaut, 2021), ce qui ne nous permet pas d’affirmer ou d’infirmer que l’emploi de certaines formes nuisent à la lecture chez ces personnes.
[2] « Le terme “ mégenrer “ représente l’action de faire référence à une personne trans ou non-binaire en'utilisant un nom, des pronoms, une formule de salutation ou autres qui ne reflètent pas l’identité de genre de'la personne. (GRIS-Montréal & Conseil québécois LGBT, 2020) »
[3] Le genre sémantique est la conceptualisation du genre de la personne à laquelle on fait référence. Ainsi, lorsqu’on utilise la forme grammaticale féminine avocate (nom, féminin, singulier) l’interprétation pourrait'être qu’il s’agit soit d’une femme ou d’une personne non-binaire. À contrario, lorsqu’on utilise la forme grammaticale féminine personne (nom, féminin, singulier) nous n’avons aucune information de sens qui'nous permet une interprétation genrée; il peut donc s’agit d’une femme, d’une personne non-binaire ou d’unhomme.
[4] Il est à noter ici que si on écrit un texte sur une personne, il peut être important de visibiliser songenre dans le texte.
[5] Mot qui s’écrit de la même manière au féminin et au masculin, mais dont le genre grammaticalet sémantique est visible dans le déterminant.
[6] L’association québécoise des professeurs (sic) de français a voté en faveur de rendre les'participes passés avec l’auxiliaire avoir invariables. En novembre 2021 (Radio-Canada), cette dernière demandait au Ministère de l’Éducation de mettre en vigueur cette règle dans les critèresde correction.
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